En 1946, la France laisse passer la chance d'une décolonisation en
douceur de l'Indochine. La guerre qui s'engage alors va durer huit ans et s'achever dans la cuvette de Diên Biên Phû. C'est l'histoire de ce rendez-vous manqué entre une France tout juste libérée et un Viêt-nam qui ne supporte plus ses «maîtres» que raconte la deuxième partie du documentaire d'Eric Deroo. Images d'époque provenant pour la plupart des armées se mêlent aux témoignages contemporains, parmi lesquels on regrettera l'absence de la partie vietnamienne. Le seul «Viet» qui parle s'est en effet rallié à la France dès 1948... Remarquable par la qualité des images, le documentaire parvient à la fois à expliquer comment la France s'est elle-même piégée et la manière dont les militaires français ont vécu le début de «l'Indo».
En mars 1945, les troupes d'occupation japonaises avaient mis fin à la fiction de la souveraineté française, incarnée par le représentant de Vichy. Un an plus tard, les Français reviennent au Tonkin (nord du Viêt-nam), en accord avec le mouvement nationaliste et communiste Viêt-minh. Hô Chi Minh, qui a proclamé la République du Viêt-nam, souhaite se débarrasser des Chinois qui occupent le pays depuis la capitulation japonaise. En quelques semaines la situation va basculer.
La France est représentée sur place par deux gaullistes, le général Leclerc et l'amiral d'Argenlieu. Le premier croit qu'il faut négocier avec Hô Chi Minh, le second s'y oppose. Il l'emporte sur Leclerc et lorsqu'il fait bombarder Haiphong en décembre 1946, le point de non-retour est atteint.
Sur le terrain, les militaires français occupent des «postes» isolés. L'armée française est pauvre. Il faut s'adapter: «Nous avons jauni», raconte un sergent. «Nous étions là le jour, eux la nuit. La population était là tout le temps», résume un ancien administrateur colonial. C'est cette guerre que la France va perdre. «Nos colonels nous demandaient de brûler les villages, de tuer les buffles, témoigne un ancien officier. C'étaient des monstruosités qui dressaient la population contre nous.» Les jeunes officiers se mettent à lire Mao et mènent de plus en plus «leur» guerre, très loin des soucis d'une métropole qui s'intéresse à sa reconstruction. Ils se coupent du pays, parfois irrémédiablement, comme on le vit lorsqu'ils rempilèrent en Algérie.
MERCHET Jean-Dominique